Exercice parfois difficile que celui d’analyser un long-métrage quand ce dernier vous écœure à la seule vue de son titre et de son affiche. Évoquer Lourdes fait forcément penser à la religion catholique, au défilé de ces nombreux croyants et malades alités dans leur fauteuil bleu et ressentir une vague sensation de pitié envers ces infirmes. Peut-on, au cinéma, réaliser un film qui évoque ce lieu de pèlerinage catholique sans sombrer dans la compassion et les commisérations qui en découlent ? C’est le pari que s’est lancé Jessica Hausner pour son cinquième passage derrière la caméra.

© Martin Gschlacht

Lourdes raconte l’histoire de Christine (Sylvie Testud), une jeune femme clouée dans un fauteuil roulant depuis de longues années à cause d’une sclérose en plaques. Pour sortir de sa solitude et de l’isolement de sa maladie, Christine se rend à Lourdes, prie et participe aux activités religieuses telles que les messes, les bains à l’eau bénite ou la procession aux flambeaux à la tombée de la nuit. Le miracle arrive le jour où Christine retrouve l’usage de ses membres et sa motricité. Elle redevient alors une jeune femme normale qui ne suscite plus la pitié mais l’admiration, notamment celle de Kuno (Bruno Todeschini), leader du groupe et séduisant membre de l’ordre de Malte, et la jalousie des autres pèlerins. Christine reprend goût à la vie, tente de profiter de cette nouvelle chance qui s’offre à elle mais découvre également les difficultés de l’existence et des relations humaines qui lient les individus entre eux.

À priori, nous avions peur de nous retrouver devant un long-métrage faisant l’apologie de la religion catholique mais la première assistante-réalisatrice de Michael Haneke sur le film Funny Games (1997) a su ne pas se laisser prendre au piège du cliché religieux et de ses préjugés.

© Martin Gschlacht

De Lourdes, le spectateur n’apercevra que les recoins de la ville, ses basiliques et ses boutiques vendant toutes les mêmes chapelets, médailles et autres neuvaines à l’effigie de la Vierge Marie et avec lesquelles la réalisatrice autrichienne semble s’amuser tout au long de son long-métrage. Jessica Hausner a eu l’intelligence de ne pas se focaliser sur la foi (catholique) de ses personnages mais plutôt sur la force de cette foi, leur croyance et leurs espoirs, sur la difficulté d’affronter la maladie et d’accepter l’infirmité, sur l’injustice de la vie qui frappe ces malades sans jamais tomber un seul instant dans la compassion ni une quelconque sensiblerie qui auraient atomisé l’intention vers laquelle la réalisatrice a souhaitée nous amener. C’est là toute la force de ce long-métrage : en se concentrant sur les étiquettes qui nous collent à chacun (Christine n’est pas la seule à être perturbée par le changement de son statut de « malade » à « personne valide »), Jessica Hausner a réussi son pari, celui de réaliser un film juste sur la croyance, sincère sur les sentiments de ses personnages et l’empathie suscitée ; épuré dans sa mise en scène à la fois froide et mécanique, presque clinique qui n’est pas sans nous rappeler les films du célèbre réalisateur autrichien.

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