Sur les plages de sable blanc du Kenya bordées par une mer bleue turquoise, elles sont venues d’un autre continent, l’Europe, pour échapper à leur destin de célibataire endurcie dans l’espoir d’y trouver l’amour, le vrai, celui qui s’écrit avec une lettre majuscule et pouvoir enfin se marier.

Bercées d’illusions et de clichés sur l’endroit dans lequel elles ont atterri, ces sugar mamas vont progressivement découvrir que l’amour qu’on leur avait promis auprès de ces jeunes Africains n’est en réalité qu’un leurre pour pouvoir subvenir à leurs besoins.

Si le sujet n’est pas nouveau, la manière dont il est abordé et traité fait la réussite de ce premier volet de la trilogie réalisée par Ulrich Seidl. D’abord, un travail particulier a été effectué sur la photographie et la manière de filmer et mettre en scène ces hommes et ces femmes que tout oppose. Dans Paradis : amour, il suffit parfois d’une seule image pour en dire plus qu’un long discours, à l’instar de cette scène sur la plage où ces quinquas avachies sur leur transat sont en train de discuter entre elles sur le choix de leur beachboy pendant que ces jeunes hommes attendent sur le bord de la plage, séparés d’elles par une corde blanche. La photo est impressionnante, saisissante, presque angoissante ; elle capture en un instant tout le propos du film et les rapports qui lient ces êtres humains entre eux. Il en sera ainsi tout au long du film : le réalisateur autrichien aime déranger par la multiplication de ces situations provocantes.

© Happiness Distribution

Loin des discours conventionnels et politiquement corrects sur le racisme latent de la domination blanche sur les Noirs, le film de Ulrich Seidl a l’intelligence de s’intéresser davantage aux deux parties, aussi bien à ces femmes esseulées proches de la soixantaine en quête du grand amour, errant dans le cimetière de leurs illusions perdues qu’à ces hommes victimes de leur milieu social d’origine et leurs conditions de vie précaires, pour dresser un portrait âpre, cinglant et incisif de l’état de notre société contemporaine et des relations qui nous unissent. Comme si tous, d’un côté comme de l’autre, étaient finalement conscients du grotesque et du pathos de la situation dans laquelle ils se trouvent respectivement mais qu’ils alimentent pour autant à défaut d’une autre solution. C’est cette situation qui les dépasse qui rend ces hommes et ces femmes particulièrement humains et étrangement attachants. Un sentiment d’empathie naît naturellement chez le spectateur dès lors que l’on en prend conscience, quand derrière ce tableau aux paysages idylliques surgissent toute la cruauté de notre condition et le goût rance de nos existences.

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